Etude et compréhension
J'ai un voisin qui habite ici, dans la ville A. Chaque matin, je vois cet homme quitter sa maison pour aller invariablement à la ville de B; je le sais, car je l'ai régulièrement suivi. Il recommence tous les jours, ce qui fait que je peux étudier la question à mon aise; tout à loisir, je peux employer les grands moyens. J'engage donc à mon service une équipe de scientifiques. Nous avons demandé à mon voisin s'il acceptait de collaborer, et il a été d'accord. Il s'arrête toutes les demi-heures pour faire pipi, afin que nous puissions analyser son urine. Un médecin vient également lui prendre sa tension. Nous étudions tout : sa sueur, sa respiration, etc. Tout est étudié de fond en comble, car nous voulons savoir comment il va de A à B. Nous avons donc embauché un météorologue qui mesure la vitesse du vent, la température, et étudie les conditions météorologiques. Nous avons également quelqu'un qui s'y connaît en processus géologiques, de sorte que nous pouvons étudier le rayonnement tellurique ainsi que le magnétisme; nous voulons en effet connaître jusque dans les moindres détails la raison pour laquelle mon voisin se rend tous les matins de A à B.
Eh bien, vous commencez à vous en douter, on peut étudier cela durant des années, et ce faisant on apprend à coup sûr des choses extrêmement intéressantes; on pourrait écrire tout un livre sur ce que l'on découvre lorsque cet homme va de A à B. Il y a cependant une chose que l'on n'arrivera jamais à savoir : pourquoi B est son point d'arrivée. Cela, je ne le découvrirai jamais, malgré toutes les données, malgré le fait que je connaisse toutes les fluctuations de sa tension artérielle, de son coeur et de ses électroencéphalogrammes. J'aurai beau tout étudier, seul ou avec une équipe d'une centaine de savants munis des appareils de mesure les plus modernes, je n'arriverai jamais à savoir pourquoi cet homme va de A à B.
extrait du livre "les douze sens, d'albert soesman - triades"
Libellés : attitude intérieure, ironie
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